L'augmentation du contentieux pénal fiscal se confirme
Olivier Dussopt, Ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances et de la Relance chargé des Comptes publics a publié le bilan de la lutte contre la fraude fiscale de l’année 2021 ainsi que ses chiffres clefs.
Les effets de la suppression du verrou de Bercy et l’augmentation du contentieux pénal fiscal semble ainsi se confirmer comme en témoigne les chiffres dévoilés le 03 mars dernier.
Rappelons-le, avant la loi du 23 octobre 2018 qui a supprimé pour partie le verrou de Bercy, toute plainte visant à l’application de sanctions pénales devait être déposée par l’administration sur avis conforme de la Commission des Infractions Fiscales (CIF).
Cependant, la nouvelle rédaction de l’article L228 du code de procédure fiscale, issue de cette loi, est venue limiter l’office de cette commission puisque l’administration se voit maintenant contrainte de dénoncer au procureur de la République tous les faits portant sur des droits dont le montant est supérieur à 100 000€ lorsque l’une des pénalités suivantes est appliquée :
- Majoration de 100 % en cas d’évaluation d’office ;
- Majoration de 80 % en cas de découverte d’une activité occulte, d’abus de droit, de manœuvres frauduleuses, ou d’absence de déclaration de certaines sommes et certains actifs ;
- Majoration de 40 % lorsque la déclaration ou l’acte n’a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure, ou en cas de manquement délibéré ; uniquement en cas d’application de l’une des pénalités listées au cours des 6 années civiles précédentes.
L'action publique pour l'application des sanctions pénales est ainsi exercée sans plainte préalable de l'administration.
Mais alors quels sont les résultats de cette importante réforme de la lutte contre la fraude fiscale ?
Les chiffres sont rendus publics chaque année au sein du rapport d’activité annuel de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) ainsi que dans les divers communiqués de presse et bilans publiés par le cabinet du Ministre Délégué de l’Economie et des Finances.
Dans le rapport d’activité de la DGFIP de 2020 était publié le tableau suivant
Il était ainsi possible de constater une très forte progression du nombre de dossiers transmis à l’autorité judiciaire, y compris en 2020 en dépit de la suspension des contrôles sur une grande partie de l’année.
Les chiffres de 2021 s’inscrivent dans cette progression en constatant une augmentation de 25% des dénonciations obligatoires : 1200 dénonciations obligatoires transmises au Parquet.
Comme l’énonce le bilan : « Au total, 1620 dossiers de fraude à l’impôt ont été transmis aux parquets, auxquels s’ajoutent 2500 plaintes pour fraude au fonds de solidarité, soit un total de 4152 affaires de fraude aux finances publiques pour lesquelles la DGFIP a saisi l’autorité judiciaire en 2021 »
Force est de constater que depuis 2018, on assiste à une incontestable accélération de la pénalisation du contrôle fiscal. Cette pénalisation croissante et constante s’accompagne également de l’émergence d’une justice négociée au travers de deux outils que sont la Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC) et la Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP).
Ainsi, depuis l’élargissement du champ d’application de la CRPC au champ fiscal en 2018, c’est près d’une cinquantaine de CRPC qui ont été homologuées et 6 CJIP qui ont été conclues pour les années 2018 à 2021.
Bien plus rapide qu’un procès, cette justice négociée est encouragée par la circulaire du 4 octobre 2021 qui recommande de faire un usage de la CRPC « aussi large que possible, tant dans les cas de fraude des personnes physiques que morales, et ce, quels que soient les montants fraudés ». Et de préciser : « sauf situation particulière, nécessitant un recours à l’audience publique, l’acceptation des faits et la rapidité avec laquelle la sanction est infligée sont synonymes d’efficacité et d’exemplarité de celle-ci ».
L’intérêt de l’Etat à l’usage de tels outils semble ainsi aisément compréhensible, en témoigne les montants parfois extrêmement significatifs qui en sont issus.
Mais si le contentieux pénal fiscal poursuit son essor, une autre donnée particulièrement intéressante est à prendre en considération dans ce communiqué du ministère : « 45% des contrôles engagées en 2021 ont été diligentés suite à une analyse de données de masse »
Cette augmentation de près de 15% par rapport à l’année précédente est le signe de l’amélioration de la programmation de nouvelles méthodes d’exploitation de données ou d’analyse et de l’intelligence artificielle.
Avec une si forte progression chaque année, il est probable que les contrôles fiscaux initiés par le datamining deviennent un jour la règle, et l’œil avisé du vérificateur l’exception.
En l’attente de la publication du rapport d’activité détaillé et complet de la DGFIP pour l’année 2021, ce premier bilan ne fait que confirmer ce que laissait déjà présager la suppression du verrou de Bercy et semble ainsi promettre un accroissement continu des dossiers de contentieux pénal fiscal pour les avocats.
Thomas Gallice
Elève Avocat – Cabinet SAND AVOCATS.
Article publié le 17 mars 2022 au sein de la revue Lexbase Hebdo – édition fiscale n°898