Fraude fiscale : soyez vigilants aux dernières jurisprudences
Alerte sur l’évolution des relations entre le parquet et l’administration fiscale
Analyse du dernier arrêt en la matière : Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 16 juillet 2021, 448500
Selon le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 16 juillet 2021, l’autorité judiciaire peut régulièrement transmettre à l’administration fiscale tout élément recueilli dans le cadre d’une enquête préliminaire, spontanément ou sur demande adressée au ministère public, alors même que l’enquête aurait fait l’objet d’un classement sans suite, et ce en application des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales (LPF) et ce même dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015).
L’amende fiscale pour défaut de délivrance d’une facture est considérée par le Conseil Constitutionnel comme contraire au principe de proportionnalité de la peine.
Décision n° 2021-908 QPC du 26 mai 2021 : Contrariété à la Constitution de l’amende fiscale pour non-respect de l’obligation de délivrance d’une facture (CGI, art. 1737 I 3)
Par une décision QPC du 26 mai 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire au principe de proportionnalité des peines, garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, les dispositions de l’article 1737 I 3. du CGI sanctionnant le défaut de délivrance d’une facture (amende de 50% du montant de la facture) pour les motifs suivants :
- L’amende encourue n’est pas plafonnée ;
- Son taux de 50% est fixe ;
- L’amende s’applique alors même que la transaction a été régulièrement comptabilisée (donc sans préjudice pour le Trésor) si le fournisseur n’apporte pas la preuve de cette comptabilisation dans les 30 jours suivant la mise en demeure de l’administration fiscale ;
- L’amende réduite de 5% applicable en cas de comptabilisation régulière de la transaction n’est pas davantage plafonnée et son taux est également fixe.
Selon le Conseil constitutionnel, l’abrogation des dispositions en cause est reportée au 31 décembre 2021 ainsi les sanctions prises sur le fondement de ces dispositions et prononcées avant cette date ne peuvent pas être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité, ce qui permettra au législateur de prendre les mesures nécessaires pour leur mise en conformité, probablement dans le cadre de la loi de finances pour 2022.
Relaxe au pénal mais condamnation au fiscal : allez comprendre !
CAA Nancy 1er juillet 2021, n° 20NC00687
Dans cet arrêt, alors que le contribuable a été relaxé par le Tribunal Correctionnel, la Cour d’Appel juge que l’autorité de la chose jugée au pénal sur le fiscal ne s’attache qu’à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif.
Pour la Cour d’appel les motifs d’un jugement de relaxe par le Tribunal Correctionnel, tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité ne permet pas d’opposer la décision de relaxe pour empêcher l’administration de poursuivre la procédure fiscale.
Dans cette affaire, le contribuable avait sollicité l’abandon de la procédure fiscale en raison d’un jugement par lequel le tribunal correctionnel de Strasbourg l’avait relaxé des poursuites du chef du délit de fraude fiscale facilitée par l’interposition d’une personne établie à l’étranger, jugement devenu définitif à la suite de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 28 janvier 2021 ayant constaté le désistement du parquet de son appel.
Mais pour la Cour le juge pénal n’a pas établi la matérialité de l’intervention personnelle du contribuable dans la réalisation des prestations en cause. Elle en conclut que dès lors qu’elle se borne à relever que certains des faits reprochés n’étaient pas établis, la décision pénale ne saurait s’imposer au juge fiscal.
Une décision éminemment critiquable qui démontre bien aujourd’hui que la matière pénale fiscale dans sa pratique n’a pas encore appréhendé les distorsions d’un principe d’indépendance des procédures qui a désormais bon dos mais qui n’a plus lieu d’être. Les dossiers post loi fraude du 23 octobre 2018 le démontrent encore de manière plus criante et il est certain que de nombreux contentieux seront menés sur ce thème dans les années à venir.